lundi 25 février 2013

Nanga deef





Quelques jours se sont écoulés depuis mes dernières nouvelles... Le temps d'un bond jusqu'au Sénégal!
Dakhla que j'ai quitté avec difficulté, rencontre d’Ahmed oblige. Sarahoui, il est un derniers à vivre sous tente. J'y resterai trois jours, rejoins par David qui voyage depuis quelques mois au Maroc. Le lieu invite à la contemplation et au repos. Toute la philosophie de vie d’Ahmed, ancien cuisinier sur les navire usine qui s'est retiré dans sa crique. Nous enchainons les parties d'échecs, entre chicha, thé (une liqueur devrais-je dire tellement son breuvage est sucré), bonne bouffe et discussions illuminées par la syntaxe et la prononciation improbable d’Ahmed.
Je repars vers le désert ensuite pour les 300 km qui me sépare de la frontière mauritanienne. La chaleur monte autant que le taux d'humidité diminue, c'est la gorge sèche que je termine le Maroc. D'autant plus qu'il me faut me taper 200 km sans ravitaillement possible. Et ça je le savais pas! On m'avait parlé de stations essences mais elles sont toutes fermées. C'est un détour par un village de pêcheur qui me permet de continuer en vélo. Prénommé Chika (par ironie, c'est pas possible, que des mecs!), les pêcheurs l'appellent Guantánamo. Un entrelacs de petites cahutes de toiles, cartons, bois et parpaings dans laquelle ils passent 8 mois de suite. J'y resterai une aprèm avec quelques jeunes qui m'y racontent leur vie, espoir et frustration.

Arrivé à la frontière je me décide à passer le no man's land en vélo. Une zone de quelques kilomètres de large, minée sensément que la Mauritanie et le Maroc ont érigé pour empêcher le passage des touaregs. Une zone de non droit, sans goudron où le trafic de voiture fleurie. Ce qui donne à ce passage un petit côté Beyrouth, voitures calcinées, désossées sont légions. 
La douane Mauritanienne est pas spécialement consistante en terme d'infrastructure... Mais s'avère être une imposante machine à bakchich. Les douaniers encaissent des billets en toute indifférence, le pouvoir qu'ils ont c'est de te garder le temps qu'ils veulent. Ils en profitent. Échaudé par mes derniers km de désert je décide de faire du stop jusqu'à Nouakchott. Je trouve en moins d'une minute. Mais au royaume de l'arbitraire le départ est une échéance relative... J'attendrai plus de 30 heures qu'il daignent nous laisser passer. Le conducteur, Oland, un allemand, reste imperturbable sans doute vacciné par 40 ans à descendre des camions en Afrique. Cette fois ci il descend un vieux bus, dans lequel un photographe lituanien à déjà pris place. L'attente est longue mais partagé avec une centaine de camions. Partie d'échecs avec le lituanien et déambulation dans cette zone, aux allures de décharges balayées par des vents poussiéreux, pour passer le temps et apprendre les bases du bizness de voitures vers l'Afrique!
Le départ enfin, sous escorte s'il vous plait, payante et imposée ça va de soi! Ils aura fallu faire croire au chefs des douaniers  (un sinistre connard en costard, qui se la joue parrain) que Oland a des problèmes cardiaques et qu'il n'a bientôt plus de traitement.
 
Les points de contrôles sont nombreux, des flics la kalachnikov parfois en évidence, nous vérifient un nombre de fois incalculables les passeports. Des questions parfois, profession? Oland répond mécanicien gynécologique ce que le flic retranscrit imperturbable sur son carnet. C’est gras et con comme humour, j'adore!

Nouakchott, 3H du mat, j'arrive pas à me motiver pour sortir et me trouver un coin ou dormir. Je reste dans les bus. Je traverse le pays en une journée pour arrivée à Rosso. Le paysage a complètement changé, les arbres ont pris au fur et à mesure possession des dunes, la couleur du sable tend vers le rouge. 

Rosso, premier point d'exclamation dans le regard, les femmes ont repris possession de l'espace public, le voile tombe, les voix féminines retentissent.
Les gens m'enjoignent de prendre le bac pour rallier le Sénégal. Je me méfie des commentaires sur l'état et la dangerosité de la piste jusqu'à Diama, le commerce ici c'est la frontière, tout est bon pour t'y faire passer et tranquillement racketter. Têtu maintenant, je prend la piste, évidemment tout était faux... le paysage traversé est magique, la piste praticable, la faune et la flore abondante de diversité (mangrove, lacs, phacochères, pélicans, échassiers en pagaille).

Frontière Mauritanie/Sénégal, je commence à apprécier le jeu. Le but de l'interlocuteur, te soutirer des tunes en invoquant une pseudo raison administrative, mes parades, le vélo (même si un flic n'hésite pas à me demander de l'argent pour l'enregistrement de mon véhicule!) et la patience... la technique est payante, économique devrais je dire.

J'arrive à Saint Louis le lendemain. Aux premiers jours  intenses de découvertes, de rencontres succèdent une phase de stagnation totale. Je découvre les joies de la tourista...




Je serais obligé de réveiller le réceptionniste avec ma canne à pêche... A peine surpris il me renseigne comme si de rien n'était. Un flegme que je qualifierai de "so british"!

A peine remis de mes tracasseries gastro-fécales je repars vers Dakar. Le premier jours est dur. L'effet combiné de la maladie et du traitement antipalu me provoque des vertiges. Mais la grosse suée est salutaire, j'enfile plus de 100km le lendemain. 

Petite parenthèse exaspérée:  "tubab cadeau"

C'est l'expression que j'entends ici le plus. Irritant, difficilement dépassable, transgénérationnel bien que les mômes soient les plus enclins à le sortir, sa périodicité m'épuise. Je me sens nullement supérieur quand je l'entends, je le dis car je soupçonne beaucoup d'occidentaux de l'être. Je tente parfois la discussion, pour en comprendre les origines, l'humour pour ne pas m'énerver, l'explication pour me faire croire au vertu de la parole. Car c'est pas évident de se voir réduit à une couleur, à un portefeuille, de voir entériner une domination, celle de la charité occidentale.
Je m'interroge surtout. Parce que l'expression et les symboles qu'elle véhicule ont des fondements. J'en discerne plusieurs.
Une éducation du quotidien d'abord, des occidentaux donnent effectivement des stylos, bonbons, piécettes. Un jeu pour les enfants de les récupérer, plus qu'une nécessité, mais qui fige des positions, je mendie donc je m'écrase toi grand seigneur tu distribues...
Le rôle des ONG et autres organes étatiques d'aide au développement... Une belle farce à mon sens ou l'art de rien remettre en cause en se donnant bonne conscience. Je ne vilipende pas les personnes qui y participe (quoique certains...), c'est autre chose qui m'agace. Je déverse c'est partis... les concours publicitaires des ONG, une action, un panneau, j'en dénombre 5 dans un village. Désintéressées les actions, mais pourquoi alors ce souci constant de mettre en avant son action, une façon de marteler "rappelez vous comme nous sommes bons".
Les véhicules des intervenants de l'aide au développement, c'est un peu jamais sans mon 4/4 flambant neuf. Dans un pays ou le déplacement auto est un luxe, nul indécence à exhiber des véhicules hors de prix. Le salaire que je sais très élevé des travailleurs de l'humanitaire ( un salaire expatrié c'est confortable), les sièges toujours bien en vue des organisations. Alors moi la question que je me pose c'est quelle part du budget est directement attribuée à l'action? C'est pourtant ce que retienne les gens qui reçoivent les subsides, des occidentaux arborant tous les signes de richesses venu leur apporter leur lumières et des piécettes...
J'arrête ici, mais il y aurait tellement à dire sur le sujet.

J'ai donc repris la route vers Dakar, sillonnant entre baobab, manguiers, fromagers et tant d'autres. Je passe mon temps à regarder les arbres pour y entrevoir leurs habitants, du pur bonheur ces quelques kilomètres.
Dakar c'est bruyant, pollué, encombré,mes premières impressions sont mitigées. A cela s'ajoute la sensation de terminer mon parcours africain. Parce que le défi du moment c'est de trouver un voilier pour traverser l'atlantique. Je me suis donc installé au cercle de voile de Dakar dans l'attente d'un bateau et d'un skipper qui accepterai de me prendre, pas impossible mais pas évident...

Quelques photos d'une qualité incertaine. La cause, le vol de mon appareil photo... Un don plus qu'un vol tellement j'ai été étourdi... Je dois donc utiliser ma tablette et n'ose pas la sortir fréquemment, la gène d'exposer le joujoux dans un pays ou certains galère pour bouffer. 
tente d'Ahmed

Ahmed et David

Les pêcheurs de Guantánamo!

Tente d'Ahmed, la vue sur mer qui demande un petit effort d'imagination...

Dans l'attente je me balade, glande beaucoup... Je ne sais pas attendre, je  ne suis pas doué pour ce genre d'exercice. Je me laisse encore deux semaines pour trouver un bateau avant d'envisager autrement les choses, soit je reprends le vélo et m'enfonce en Afrique noire, soit je prends un avion pour me téléporter en Guyane, soit je fais les deux....
Ba bennen

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