jeudi 25 septembre 2014

Partir c'est aussi morfler un peu... au début


C'est reparti pour un tour, de pédale car il ne s'agira pas circonvolution, plutôt une ligne verticale à tracer vers le sud. l'Afrique du sud en point de mire, mais non comme objectif ultime. je pars donc sans visée précise , hormis celle de retrouver l'Afrique équatoriale que je n'avais fait qu'effleurer. Ensuite, ben ensuite je verrais, j'en suis encore loin mais déjà pressé d'y être. L'empressement est une de mes pathologies que le rythme du voyage va s'en doute atténuer... Partis d'Irun il y 8 jours, je serais à Santiago demain avant de poursuivre vers le Portugal.

Pour l'instant je vais trop vite sur le chemin de saint Jacques ( d'Irun à santiago), je ne fais que croiser des cohortes de pèlerins, tous les 20 km environs. Mon moyen de locomotion m'empêche de me fondre dans un groupe. je n'aurais donc pas le droit à mes séances d'introspection collectives. En même temps vu la densité d'allemand et ma maîtrise impeccable de leur langue je n'aurais que peu profité des expériences de chacun. J'ai quand même rencontré un allemand qui s'est excusé d'en être un, sur le mode "et oui je ne déroge pas à la règle de la sureprésentation".

J'ai pas mal misé sur mon matériel ancien, que je n'ai pas vérifié bien sûr! Petit tour d'horizon (crépusculaire) de mes ratés: un imperméable perméable qui fais de moi une serpillère à la première goutte de pluie, une sacoche trouée ce qui m'en bouche un coin  ( pouf pouf...), des chaussures trop courtes d'une pointure, la sacoche de guidon qui s'arrache de l'intérieur à s'en fendre l'âme Arthur (re pouf pouf). Un dérailleur qui grince, crisse, râle, suffoque, suinte, frotte... De manière forte inquiétante. Et enfin une tente dont le sol moucheté de trous, façon ciel étoilé au milieu de l'Atlantique,  me permettra d'accueillir pendant mon sommeil une quantité non négligeable d'insectes dépourvus de domicile.

j'avais aussi misé sur mon physique étincelant... raté. d'abord parce que les vaccins en rafales que je m'étais injecté ont des effets secondaires, nausées et maux de tête. Du coup, mes trois premiers jours ont été placés sous le signe de l'ascèse, économique peut-être mais peu adapté à mes efforts quotidiens. Ensuite car que la saison de football clairsemée au FC Mellac n'a pas constitué un travail de fond ( de bas fonds peut-être). Qu'enfin l'été festif a fait de moi une usine à toxine. Qu'on se rassure, mes 80 km quotidiens me retape, j'ai retrouvé l'appétit à raison de 5 pauses restauration par jour, mes cuisses ont triplé de volume (peut-être j'exagère un tout petit peu) et je dors 12h par nuit.

Au rayon rencontre amusante, celle de ce vieux monsieur à Gijón à qui je demande la route pour Avilès. Il commence par poser un pied sur le rambarde devant moi, m'interdisant toute manœuvre de fuite, me regarde droit dans les yeux et me dit " Commençons par Gijón", avant de se lancer dans une présentation historique de la ville (xixa  à l'origine car le port est une création romaine, de toute façon quand c'est pas Vauban c'est romain). Il veille à ce que je comprenne chacune de ses paroles, me répétant les infos si il le faut. Il me ramène à ses combats pour la liberté sous Franco, à son action syndicale. Puis frappé par la fatalité, il conclue par un "mais pourquoi faire? Pour se demander comment manger maintenant?". La ville se meurt selon lui, l'industrie c'est éteinte. Il l'illustre par une statistique dramatiquement cynique. Il y a maintenant plus de chiens que d'enfants à Gijón...
L'exposé terminé, il enlève son pieds de la rambarde, me libère le passage et déclare dans un sourire "en fait Avilés c'est tout droit, t'es sur la route". Muchas gracias señor!

Et ces danois venant de Londres, à ma question (stupide sur le camino), vous allez vers Santiago? L'homme me répond sans rire "non vers Barcelone, nous sommes déjà sauvé". Donc si je réfléchis bien , ce sera ma troisième arrivée à Santiago, mon âme est donc à présent aussi pure que l'eau d'un glacier. Je vais donc enfin pouvoir verser dans la débauche, ce que mon éducation judéo-chrétienne m'interdisait jusqu'à présent...

Ah si pour finir, petit exercice de diction appris d'un vieux patron de bar en Asturies, parlant français comme un basque espagnole, " c'est honteux mais tentant de tâter les tétons de tata quand tonton n'est pas la". Je l'ai fais répéter 10 fois... J'adore.

Pour le moment la route se fait belle, parsemée de quelques  sympathiques rencontres, de paysages de toute beauté, je roule, roule et roule encore. Et ça me suffit.

Hasta luego et bien sûr, force et honneur!

PS: pas de photos cette fois ci, je n'arrive pas à faire la manip sur ma tablette et pas très sur de vouloir passer des heures à me pencher sur le problème. J'en mettrais au prochain cyber que je croise.