mercredi 12 novembre 2014

Pédaler en rond



Je ne peux m'empêcher en arrivant à Tanger de me remémorer mon arrivée à Melilla il y a deux ans http://www.geocyclab.fr/carnet-de-bord/jour-75-melilla/. Pour la première fois je mettais les roues sur le continent africain, dans une enclave espagnole. Cette contiguïté incongrue des deux continents avait sans doute accentuer ma sensation de passer un sas brutal, représentatif des rêves altérés du sud se heurtant à la riche citadelle européenne. J'en garde l'image (entre autre) de ce mur de fer que nous avions longé sur des kilomètres pour enfin trouver la porte de sortie. Une sorte de baffe géopolitique, les triples rangée de grillages, puis cette impression d'être happé par le flux humain dans cet étroit corridor économique. Luxuriance en carton pâte d'un coté, effervescence de la débrouille de l'autre.

Cette fois-ci le court trajet en bateau de Tarifa fais son office. Sur le quai c'est déjà le Maroc, calme... Les formalités de douanes et de polices sont quasi inexistante. J'en suis tellement surpris que je vais jusqu'à faire demi tour et demander à un douanier si je peux vraiment passer!

Par contre j'ai toute la journée de quoi m'amuser avec des différences avec l'Espagne, parfois anodines, mais qui capte forcément l'attention.  Par exemple, lorsque je peux m'accrocher à un camion ou un tracteur pour passer des bosses, j'ai du mal à résister à l'appel de ce remonte pente improvisé. Je ne l'ai tenté qu'une fois au Portugal. Ce qui m'a valu klaxons et invectives des voitures suiveuses. A Tanger, personne ne moufte, et en prime le conducteur de l'engin engage une conversation par rétroviseur interposé et gratifie ma téméraire initiative d'un pouce levé et de sourires.
Je m'attarde aussi sur l'agencement des villes. En Europe, l'hypercentre est généralement l'apanage de la classe aisée. Au Maroc c'est l 'inverse, le centre est étroit,chahuté, populaire. Plus l'on s'éloigne plus les maisons se font cossues,les propriétés verdoyantes et vastes. Tanger étant situé dans une baie, l'élévation sociale de ses habitants est urbanistiquement visible,et criante. C'est d'ailleurs une des caractéristiques du Maroc, la visibilité extrême des différences de revenus. Traduite en ces termes par un vieux monsieur rencontrés au bord de la route "ici les dirigeants mangent beaucoup..."

Une autre anecdote, qui résume certaines absurdités de la société marocaine. Une route de montagne serpentant dans le Rif, constellée de nid de poule, il me faut parfois débusquer le bitume pour m'y frayer un chemin. Je me la cogne  (le verbe prend ici tout son sens au propre comme au figuré) sur 30 km. Quand au milieu des lacets m'apparait un panneau, attention louable quoique risible, le pictogramme met en garde l'usager contre la présence de... dos d'âne!

Depuis mon arrivée,j'en bave. J'en dégouline plutôt! Les cieux sont contre moi, nuits et jours se mèlent en d'épaisses et spongieuses précipitations. Heureusement, les sourires et encouragements parsèment ma route. Un tracé d'ailleurs fort sinueux, entre Tanger et Rabat, dans l'attente d'une réponse qui déterminera la suite du voyage. Je pédale en rond (dans l'eau!).




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